Explication du thème​

« AMOUR FAMILIAL : VOCATION ET CHEMIN DE SAINTETE »

Si l’Eglise du Christ au Sénégal en arrive à choisir ce thème pour soutenir le pèlerinage marial de cette année, c’est parce tout simplement la famille, celle voulue par le Père de toute providence, censée être un lieu de réalisation et d’épanouissement, va mal. Et si l’état de santé de cette cellule tant humaine que divine n’est pas rassurant, il faut certainement, pour un réel diagnostic, convoquer son substrat qui se trouve être le mariage. Même, avec une vision trouble, l’on voit, avec netteté, que l’essence de la famille est passée d’alliance matrimoniale à une application en vie et valable tant qu’elle sert, désinstallée dès que l’on trouve plus performante ou quand la mémoire est saturée pour ne pas dire quand les difficultés se présentent. Du coup, c’est peut-être trop dire, mais tout porte à croire que ce n’est plus une question d’union sacrée, mais plutôt une histoire de pacte soutenable tant que c’est rentable. Il suffit d’un clic pour annuler ou se déconnecter. C’est la *culture du provisoire* (Amoris Laetitia page 29 n°39). Avec sa Sainteté le Pape François, « je fais référence, par exemple, à la rapidité avec laquelle les personnes passent d’une relation affective à une autre. Elles croient que l’amour comme dans les réseaux sociaux, peut se connecter ou se déconnecter au gré du consommateur, y compris se bloquer rapidement (…) Tout est jetable, chacun utilise et jette, paie et détruit, exploite et presse tant que cela sert. Ensuite adieu ! » (Amoris laetitia, page 29 n°39). Il suffit juste de faire un tour au tribunal pour s’en aviser, combien de dossiers de divorce de mariages de moins d’un an encombrent les casiers des avocats ? Ainsi, la famille subit un procès qu’elle n’a jamais voulu à cause de personnes qui, retenez bien, ne se marient plus mais s’épousent elles-mêmes. Je peux bien me tromper. Toutefois, j’ai le sentiment que beaucoup de relations, de nos jours, roulent sur une pente dangereuse voire fatale.

En réalité, elle est la meilleure chose qui te soit arrivée tant qu’elle reste fidèle à ta manière de voir et de faire les choses. Elle est angélique tant qu’elle dit oui et est en faction. Elle n’a pas sa pareille tant qu’elle reste lige de toi et se plie à tous tes goûts et désirs, si ce n’est caprices. Elle est parfaite tant qu’elle ne fait pas de moue et sert toujours le sourire comme une âme vaillante. Bref, cette personne est un cadeau du ciel pour toi parce que toi, tu es toujours, encore et sans cesse, au volant. Tu es maître ou maîtresse de toute bifurcation. C’est toi qui donnes toutes les orientations. Voilà le prototype d’une relation qui va à volonté unique. C’est du narcissisme qui engendre facilement la phrase accusatrice à tort : « tu as changé » alors que tu ne lui as jamais donné l’occasion de se découvrir ni d’être. Et, naturellement, la rupture se confirme simplement, car il n’y a jamais eu de lien. Au juste, il y avait tout simplement sa majesté et l’escabeau de ses pieds en lieu et place d’un roi et d’une reine sur le trône de l’amour familial vraiment vécu.

Par ailleurs, tu connais certainement des gens qui sont en quête perpétuel d’affection. Tu rencontres des personnes d’une susceptibilité aigue. Tu interagis avec des âmes qui optent pour le célibat, trouvant la famille inutile pour avoir été témoins des souffrances de maman ou de papa. Tu vois des êtres friands de paternité ou de maternité spirituelle. La demande est forte. Les consacrés ne diront pas le contraire. Voilà tout un monde victime de l’amour familial biaisé et blessé. De la sorte, le foyer est passé de chemin de sanctification à chemin de perdition. N’est-il pas urgent de revenir à l’essentiel ?

Frères et sœurs, le sacerdoce et la vie religieuse restent des vocations nobles qui donnent à la charité de ne jamais passer eu égard au fait que des hommes et femmes consacrent leur vie à cette cause. Néanmoins, ils trouvent leur source dans la première et la plus naturelle des vocations, et par ricochet, divine qui demeure l’amour familial. Plus qu’une vocation, c’est toute une orientation de vie, la tension de tout homme et toute femme. Même le consacré qui opte pour le célibat épouse une famille qui n’est autre que l’Eglise, au sein de sa congrégation ou de son diocèse. Ceci dit tout simplement que l’amour familial est une finalité à laquelle nul(le) ne saurait se dérober. Toute autre option est empruntée. Et tout ce qui est emprunté dénature. Il s’agit, alors, pour nous de correspondre à notre nature. Celle que Dieu lui-même a lue dans la communion quand il a pris le grand soin de trouver à l’homme une aide qui lui est assortie. Si Dieu, lui-même, a trouvé cette réalisation magnifique, nous, autres, nous ne saurions nous réaliser et devenir pleinement humains en dehors de ce cadre. C’est, alors, vouloir contempler la face de Dieu en y souscrivant. Et chercher à contempler sa face, c’est emprunter le chemin de la sanctification.

Toi Père, tu correspondras à ta vocation et emprunteras résolument ton chemin de sanctification si et seulement si, comme Joseph, tu assumes la responsabilité de t’approprier la mission divine de cure pour permettre l’épanouissement de tes enfants et les accompagner dans leur projet de vie en étant ,à la fois, proche et distant pour leur donner de gagner en maturité. Tu es appelé à prendre tes enfants dans tes bras, en consentant à tous les sacrifices et en prenant tous les risques du monde pour leur bien. Aussi, es-tu amené, à un certain moment, à accepter d’entendre : « Papa, j’ai grandi. Descends-moi » et à faire silence, sans rien comprendre. Comme qui dirait : « comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » (Lc2, 49)

Toi Mère, tu correspondras à ta vocation et emprunteras résolument le chemin de la sanctification si et seulement si, comme Marie, en plus des neuf mois, un mérite que même Dieu ne saurait te ravir, car il a lui-même reposé en ton sein, tu continues de chanter pour ton enfant, à le (la) relever quand il (elle) tombe, à ressentir les fouets de la vie avec lui ou elle, et à travailler à ne pas l’accaparer jusqu’à l’éloigner de son pater. La Vierge Marie, modèle de toutes les mères, ayant ressenti plus que quiconque l’angoisse de la perte de son fils, une fois devant lui en a fait une angoisse familiale, se mettant même au second plan, pour faire place à Joseph quand elle s’est exprimée ainsi : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela, ton Père et moi, nous avons souffert en te cherchant !». (Lc2, 48) Vous me direz que c’est un problème de français, mais c’est plus profond que cela. Il est important de savoir conjuguer au pluriel en paroles et en actes face à votre enfant qui est devenu(e) adulte. Sinon, chère mère, tu occasionneras simplement l’état d’un père seul et voisin sous le même toit.

Toi Enfant, il est important que tu saches te plier même quand tu as raison, en travaillant surtout à attendre le moment favorable comme Jésus qui était en avance sur ses parents et qui, judicieusement, s’est soumis, retenant simplement que ses parents ne comprenaient pas encore : « il descendit avec eux pour se rendre à Nazareth, et il leur était soumis » (Lc2, 51). Il t’enseigne ainsi le respect qui est l’écho favorable du quatrième commandement.
Vous Père-Mère-Fils, notez que l’amour familial que vous êtes appelés à vivre pour être et vous sanctifier s’enracine dans la communion. La communion en question se réalise entre des personnes. Et cela suppose, au préalable, la réalité et l’existence de chaque individu, avec la capacité et la possibilité de dire ‘’Je’’. C’est un préalable incontournable. Peut-être que le dire est trop poussé. Qu’à cela ne tienne, admettons que c’est Dieu lui-même qui nous livre le premier la notice de ce marcher-ensemble, de cette synodalité. A la messe, lieu de la plus grande communion, c’est chaque personne qui dit, unie aux autres, « Je confesse à Dieu, Je crois en Dieu » et « amen » en mangeant le même pain. Ainsi, Dieu se propose et attends le retour de l’autre. Du reste, même la Sainte Trinité, idéal de l’amour vécu, respecte l’identité propre. C’est le Père, le Fils et le Saint Esprit. Le tout couronné par un AMEN, sceau d’un oui et d’une adhésion totale nécessaire à toute vocation et chemin de sanctification.

La famille, ainsi perçue et comprise devient un foyer où l’amour est la respiration de chaque membre, avec une délicatesse qui conduit à rejoindre l’autre dans tout son être et toute sa personnalité. Faisons de la vie familiale une patrie où tous se lèvent pour faire corps afin de maintenir le trésor de l’amour et de tendre vers la perfection à laquelle le Père de tous nous invite aujourd’hui pour les siècles sans fin.

MA FAMILLE, MA RESPIRATION !!!!

 

Abbé Jean Baptiste Mbot FAYE
Vicaire à la Paroisse Saint Michel Archange de Sandiara
Archidiocèse de Dakar