Poponguine 2023 : Explication du thème​

« Comment m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi » (Lc 1, 43)

C’est l’exclamation de la Mère de Jean le Baptiste que l’Eglise du Sénégal, pour nourrir la dévotion de ses enfants, s’est inspirée pour accompagner le pèlerinage marial de cette année, la 135ème édition. Un tel choix des paroles d’Élisabeth comme thème a de quoi susciter non seulement l’admiration chez le fidèle chrétien catholique mais aussi une interrogation dans son rapport de foi avec la mère de Dieu. En effet, si le pèlerinage est une occasion pour tous les chrétiens de tous les âges de chanter des louanges à la Vierge avec amour et foi vivante, il n’en demeure pas moins que celle-ci semble être réservée à une seule catégorie de fidèle laïc : les mamans.

Pourtant l’exclamation d’Élisabeth précédée par le tressaillement d’allégresse de son enfant en son sein constitue comme une sorte d’annonce merveilleuse de la maternité universelle de Marie indiquant que tous les hommes, peu importe leur âge, devraient l’accueillir avec joie et se laisser visiter par elle. N’est-il pas vrai d’ailleurs qu’en entrant dans le monde, Jésus se laisse offrir par Marie aux hommes et en y sortant il offre aux hommes sa Mère ?

À la visitation comme à la croix, Marie apparaît comme celle qui peut nous non seulement nous orienter vers Jésus mais aussi celle qui peut nous conduire à lui. On pourrait comprendre alors aisément la joie qui habite Élisabeth lorsque la Vierge, comme un Tabernacle vivant, pénètre dans sa demeure. Marie est toujours prompt à envelopper de son amour les disciples de son fils et de se mettre à leur service. Saint Ambroise commentant la visitation écrivait « Dès qu’elle a appris que sa cousine aussi était enceinte, non par manque de foi en la prophétie de l’ange, non par incertitude de cette annonce, ni par doute sur le fait, mais dans l’allégresse de son désir pour remplir un pieux devoir, dans l’empressement de la joie, Marie se dirigea vers les montagnes. Désormais remplie de Dieu, pouvait-elle ne pas s’élever en hâte vers les hauteurs ? Les lents calculs sont étrangers à la grâce de l’Esprit Saint ».

A tous les hommes alors, il appartient, à l’instar d’Élisabeth et de son enfant à l’occasion de la visitation et de l’apôtre Jean debout au pieds de la croix d’accueillir Marie chez soi. En se laissant visiter par la Mère de Dieu, l’homme se dispose à apprendre d’elle pour mieux connaître et suivre notre Seigneur Jésus-Christ. Il faut dire que « la Bienheureuse Vierge Marie continue d’occuper « la première place » dans le Peuple de Dieu. Son pèlerinage de foi exceptionnel représente une référence constante pour l’Eglise, pour chacun individuellement et pour la communauté, pour les peuples et pour les nations et, en un sens, pour l’humanité entière. » (Redemptoris Mater n°6).

Le pèlerinage marial de cette année doit par conséquent être une occasion pour chaque disciple du Christ de repenser sa relation avec la Mère de Dieu pour pouvoir imiter ses vertus et profiter de ses innombrables grâces.

Pour ce faire, il faudrait que le catholique ne se laisse plus berner par des discours et arguments fallacieux prétextant que prier la Vierge Marie c’est la mettre en concurrence avec le Christ, ou que Marie constitue comme une sorte de rideau de fer qui nous empêche de nous approcher de Jésus. La joie d’Élisabeth lorsque Marie franchit la porte de sa maison exprime d’ailleurs, et de la manière la plus belle, la place de médiatrice qu’occupe celle qui porte en son sein le Verbe de Dieu et qui depuis son fiat désire intensément l’offrir à l’humanité.

Ce qui est sûr et certain, la foi catholique est christocentrique (c’est-à-dire qu’il a Jésus-Christ à son centre), et lorsqu’elle nous invite à nous tourner vers la Vierge Marie, c’est pour nous permettre d’accéder plus facilement à son Fils. Il n’y a point de concurrence dans la relation qui unit Jésus à sa mère. C’est une joie pour toute l’Eglise d’avoir Marie comme Mère et lorsqu’un catholique la rejette ou la néglige, il se fait un orphelin spirituel. Autant dire que nul ne peut se prétendre vraiment frère ou sœur de Jésus, s’il ne peut accueillir en son cœur la Mère de ce dernier car « la Mère du Rédempteur a une place bien définie dans le plan du salut, parce que, « quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l’adoption filiale. Et la preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père !» (Ga 4, 4-6). » (Redemptoris Mater, n°1).

Eu égard à tout cela, on peut se convaincre alors que quand la Vierge Marie, “pèlerine de l’amour”, vient nous visiter, elle nous aide à mieux mûrir notre démarche spirituelle et à enraciner notre foi en son Fils, Jésus. A son école, il nous est beaucoup plus facile de vivre authentiquement les vertus théologales. Encore faudrait-il ajouter, que la Mère de Dieu ne vient pas à notre rencontre pour uniquement nous indiquer le chemin à suivre pour plaire au Seigneur mais plaide en notre faveur pour que Dieu fasse des merveilles dans notre vie. L’exemple le plus éloquent qui nous est donné est l’épisode des noces de Cana. Alors que le vin était fini et que la situation risquait de mettre les mariés mal à l’aise, Marie, de par son intervention, les sauve.

La leçon que nous pouvons en tirer est que dans les moments joyeux comme les plus sombres de notre vie, la Vierge est sensible à notre situation et ne cesse d’intercéder auprès de son Fils et de notre Frère Aîné, Jésus-Christ. Tant qu’il y aura des hommes sur cette terre qui comptent sur elle et sur son cœur maternel, elle ne se lassera point de les visiter et de leur porter le Christ.

Par conséquent, il s’agira pour le chrétien catholique d’essayer de faire une relecture de la vie de Marie mais plus encore de savoir réciter avec joie la prière de l’Ave Maria, inspirée par une salutation angélique (Ange Gabriel) et une acclamation humaine (Élisabeth).  Ce n’est qu’ainsi qu’il pourra profiter pleinement de la visite de la Vierge Marie dans son cœur pour enfin s’ébahir en reprenant joyeusement l’exclamation d’Élisabeth. Et dans cette disposition, il pourra :

  • Professer Marie comme Mère de Dieu,
  • Se laisser guider par la foi et l’amour de Dieu
  • Imiter l’humilité de Marie.

Enfin, le chrétien sénégalais pourrait imiter aussi la démarche de Marie qui part à la rencontre d’Elisabeth et celle d’Élisabeth qui accueille la Vierge. C’est là la belle conjugaison de la culture du « donner et du recevoir », du « visiter et se laisser visiter ». Il s’agit :

  • Comme Marie de visiter les autres pour leur apporter Jésus à travers les diverses œuvres sociales.
  • Et comme Élisabeth de se laisser visiter humblement pour accueillir des autres l’aide dont on a besoin pour notre croissance spirituelle ou humaine.
Abbé Marcel MANE
Vicaire à la Cathédrale de Dakar